De nombreux indicateurs montrent que durant la pandémie, les ménages se sont mis à épargner. Une période de crise dans laquelle il a semblé que les achats non essentiels ont disparu. Il aurait dû en résulter une baisse importante des ventes des produits de luxe. Or après une année 2020 placée presque entièrement sous le signe de la restriction et du cloisonnement, il n’en est presque rien. Selon le rapport Bain & Compagny, le marché des produits de luxe n’a reculé que de 23% (source : www.bain.com – Covid 19 crisis luxury fall).

D’où la question : Que s’est il passé ? Pourquoi la chute n’a t’elle pas été plus importante ? Y a t’il une différence, au delà de l’aspect financier, entre les processus de consommation des produits de consommation quotidiens ou presque (habillement, loisirs) et les produits de luxe (montres, bijoux, sacs et accessoires) ?
Pour le comprendre, plusieurs études ont analysé en détail les facteurs expliquant cette situation.

L’importance de la marque et de son image

Les principaux critères de décision avant d’acheter un produit de luxe restent très émotionnels. Et des chercheurs tels que Gordon Foxall de l’université de Cardiff en ont mis en lumière plusieurs (source : Behaviour analysis and consumer psychology, Journal of Economic Psychology 1994, Consumer behaviour analysis and the behavioural perspective model 2011).

L’un des plus important est la renommée de la marque, au travers son histoire ou ses démarche sociétale. Il peut s’agir de la combinaison entre l’héritage depuis des dizaines d’année de présence sur le marché, un engagement en matière de diversification, d’innovation et de service après-vente permettant de se distinguer vraiment par rapport aux concurrents du même secteur.

Un autre facteur influent est la réputation du designer de la marque ; son expertise (l’exemple d’Olivier Rousteing pour la maison de couture Balmain).

Les acheteurs de ces produits non essentiels ont des profils très variés en termes de catégorie socio-professionnelle, ou d’âge. L’excellence et l’élégance sont des éléments déclencheurs pour acheter du luxe. Cela plus particulièrement pour les plus de 50 ans. Alors que pour les jeunes générations, c’est la plus grande sensibilité à la personnalisation, aux éditions spéciales ainsi qu’aux valeurs et au sens de la marque.

L’enjeu pour les marques de luxe est d’adapter leurs messages en fonction de ces différentes cibles. Bref, des éléments plus importants que la valeur des produits vendus, qui font du prix une caractéristique presque secondaire.

Caractéristiques de l’achat de luxe

Au contraire du phénomène de l’achat impulsif, la consommation dans le domaine des produits de luxe, doit correspondre à un parcours composés de plusieurs moments clés. Ces moments sont l’identification, l’inspiration, la personnalisation, les composantes du produit, la recommandation sociale, et l’expérience d’achat. Or, le risque pour les enseignes qui ne remplissent pas ces caractéristiques, ou qui ne les satisfont pas pleinement, est que le consommateur abandonne son désir d’achat.

Dans le détail, la marque de luxe doit proposer à l’achat un produit en tant que tel mais doit véhiculer une forte charge émotionnelle. Le nom de la marque est donc essentiel dans ce milieu en tant qu’élément d’identification et de différentiation. Il représente une garantie de qualité mais aussi des valeurs et une identité bien spécifiques dans lesquelles se reconnaît le consommateur.
Le produit de luxe permet de promouvoir une histoire et des références sociales. Ses fonctions intrinsèques telles la protection contre les intempéries pour des événements, disparaissent au profit du désir que le produit inspire. Avec l’augmentation de la prise d’information par internet, les produits seront mis en scènes dans des univers qui évoque ce désir.
Le fait de rendre possible la personnalisation incline à classer un produit dans la catégorie luxe. Cela s’oppose aux produits de consommation standardisés, fabriqués en masse. l’enjeu ici est de posséder un article unique, et qui rend ainsi celui ou celle qui le porte ou le possède, différent des autres. Différent dans une acceptation valorisante.
Les composantes des produits doivent, également appartenir aux critères du moment. Ainsi, les vêtements en fourrure, considérés comme luxueux il y a encore quelques années, sont délaissés au profit de produits en synthétique qui imitent presque parfaitement la fourrure véritable.
Avec l’essor des réseaux sociaux, un produit se positionne dans la catégorie luxe lorsque, considérant un prix de vente supérieur à un produit standard, il s’affiche avec ou auprès d’ambassadeurs prestigieux ou reconnus : Stars de cinéma, ou influenceurs médiatiques.

Enfin l’expérience d’achat arrive en fin de parcours. Ayant rempli toutes les conditions précédentes, le consommateurs doit ressentir une émotion qui le conforte dans la valeur qu’il met dans le produit, qui sera parfaitement corrélé au prix à débourser.

Faciliter l’achat quelque soit le canal de communication

Alors même que les produits de luxe s’adressent à un public restreint, les marques communiquent auprès des réseaux sociaux pour toucher une masse de cibles. Facebook, Instagram ou YouTube occupent dorénavant une place importante parmi les plateformes de contenu digital pour les acheteurs de produits de luxe tout au long du parcours d’achat. L’enjeu étant d’accroître la taille du marché par un effet d’entraînement. Le consommateur moyen peut, par effet d’imitation, souhaiter acquérir un produit de luxe ; il importe pour les marques de rendre possible cette aspiration élitiste à destination de cette population de consommateurs occasionnels.

Les plateformes de réseaux sociaux sont présentes de façon constante tout au long du parcours ; elle participe et aide à découvrir de nouveaux produits de luxe et rediriger les acheteurs vers les magasins physiques. L’enjeu est de créer des synergies entre les plateformes digitales et les commerces, afin d’offrir une expérience d’achat pertinente à chaque utilisateur.

Innovation et luxe

L’étude du rapport Bain & Compagny montre que les attentes en matière d’expérience d’achat de produits de luxe sont tout aussi élevées en ligne (service, site web, réseaux sociaux) qu’hors ligne, dans les magasins.

Le shopping en ligne n’est plus du tout marginal et s’est profondément installée chez les acteurs du luxe. Même s’il s’est généralisé sur toutes les classes d’age, il concerne plus particulièrement les plus jeunes acheteurs (38% des moins de 29 ans déclarent faire leurs achats d’articles de luxe en ligne ; catégories vêtements et sacs et accessoires). Ce basculement vers le shopping de luxe en ligne est de 32% chez les 30-49 ans, et 26% chez les 50 ans et plus (source : Google Trends 2021). Les achats sur site, dans les commerces de luxe restent néanmoins la norme avec 64 % en volume.

La transformation vers le numérique est principalement lié aux facilités que ce type d’achat permet : Livraison, paiement, capacité à filtrer parmi l’offre d’articles disponibles.
Les marques qui ne s’orienteront pas vers ces innovations de présentation perdront probablement du terrain face à la concurrence.

Appartenir à une tribu et véhiculer un message

Il en résulte qu’en achetant des produits de luxe, les consommateurs tentent de transmettre la valeur symbolique de la marque sur leur propre identité. Ils utilisent les produits de luxe pour communiquer et les considèrent comme une extension de leur personnalité. Les produits de luxe sont souvent consommés dans la recherche d’une reconnaissance sociale et pour obtenir un plus grand prestige ou un plus grand respect d’autrui. La consommation de ces produits se formalise dans le but d’améliorer la position dans la société, en tant que consommation de notoriété.

Toutes ses caractéristiques ont permis à l’industrie du luxe de se maintenir et d’amoindrir le choc de consommation au cours de la pandémie. Prendre exemple sur leur stratégie de vente et de consommation semble pertinent.