Lorsque vous recrutez quelqu’un, la première chose que vous regardez généralement est la suivante :

Cette personne aura-t-elle la capacité de réussir dans le poste pour lequel je cherche à la recruter ? Sera-t-elle capable de prendre en charge les missions, de réaliser les tâches qui lui sont confiées et finalement d’apporter une réelle contribution au quotidien ?

Pour prédire la capacité d’une personne à réussir, il faut évidemment regarder ses compétences techniques, mais pas seulement ! Nous savons tous maintenant que les compétences sociales (ou Soft-Skills) sont également importantes. Le fait d’avoir un certain leadership naturel va, par exemple, faciliter le travail du manager ; le fait d’être sympathique et spontané sera un atout pour les métiers qui nécessitent d’être en contact avec un public (vendeurs, communicants, etc.) ; être rigoureux et avoir le sens du détail sera un avantage indéniable pour un comptable…

Nous savons également que le fait d’avoir des valeurs en accord avec l’ADN de l’entreprise sera très bénéfique pour l’intégration d’un individu dans son nouvel environnement de travail. Par exemple, si l’entreprise valorise fortement la collaboration mais que le nouvel arrivant a moins l’esprit d’équipe, il est certain que des problèmes risquent de surgir au bout de peu de temps…

Mais qu’en est-il vraiment de l’affinité interpersonnelle ? Est-il nécessaire d’avoir une forte affinité avec les personnes avec lesquelles nous travaillons ? Cette affinité a-t-elle vraiment un impact sur les résultats des équipes ? A-t-elle une influence sur la rétention des talents sur le long terme (surtout les plus performants) ? Y a-t-il un danger à recruter des personnes ayant une affinité trop faible (ou au contraire trop forte) ?

De quoi parle-t-on (exactement) quand on parle d’affinité ?

L’affinité peut être définie comme la « perception subjective de la qualité de la relation » que l’on entretient avec une autre personne.

Avoir une forte affinité avec une personne, c’est ressentir une forme de connexion d’une certaine intensité avec cette personne.

Lorsqu’on a une forte affinité avec quelqu’un, on se sent attiré(e) par cette personne, on a l’impression de partager des choses en commun avec elle et/ou d’apprendre régulièrement des choses d’elle. On prend plaisir à discuter, à travailler ensemble, on a envie de passer du temps avec cette personne. C’est comme quand les choses se font naturellement, sans avoir à forcer quoi que ce soit.

Dans le cas contraire, lorsque l’affinité est faible ou inexistante, on ne prend pas forcément plaisir à interagir… Dans des cas extrêmes, on ressentirait même de l’anxiété, de l’agacement ou de la frustration à devoir passer du temps ensemble.

Quoi qu’il en soit, que cela soit fondé rationnellement ou non, l’affinité est ce que l’on appelle un « test subjectif ».

Existe-t-il « une »… ou « des » affinités ?

Bien que cette expérience subjective soit généralement ressentie comme « globalement assez positive » ou « globalement assez négative », l’affinité n’est en aucun cas un concept unique !

Vous pouvez apprécier de travailler avec quelqu’un sans pour autant vouloir être son meilleur ami ! Et d’un autre côté, vous pouvez apprécier de passer du temps avec quelqu’un sans avoir le désir de travailler avec lui. D’ailleurs, nous connaissons tous des histoires d’amis qui se sont lancés ensemble dans les affaires… pour découvrir plus tard que « ça ne marchait pas ».

L’affinité doit donc être comprise à deux niveaux :

  • D’une part, il existe une affinité plutôt « sociale » que l’on pourrait définir comme le plaisir éprouvé à passer du temps avec la personne. Discuter, échanger, boire un verre ensemble…
  • D’autre part, une affinité plutôt orientée « travail » marque nos inclinations à collaborer activement et notre capacité à travailler de manière productive avec les autres. Monter des projets, coordonner, exécuter…

Quel est l’impact de ces différentes catégories d’affinités sur la réussite au travail ?

L’affinité « sociale » joue principalement sur les éléments suivants :

  • Sentiment de connexion et d’attachement émotionnel aux autres,
  • Désir de passer du temps ensemble,
  • Temps passé à partager une vision, des idées…
  • Un sentiment de naturel et de facilité dans la relation.

Cette forme d’affinité agit comme une sorte de lien dans la relation, qui maintient les choses en bon état.

Elle est déterminée principalement par une combinaison de traits de personnalité et de motivations liés à notre style relationnel (la manière dont nous approchons les autres, ainsi que la manière dont nous créons, développons et donnons vie à nos relations avec les autres) ainsi qu’à nos moteurs relationnels (Avons-nous besoin de passer plus de temps avec les autres ? Recherchons-nous des relations étroites avec les autres ? Avons-nous un esprit de compétition naturel ou un tempérament plutôt collaboratif ?…).

Cette affinité orientée vers le « travail » a un impact :

  • Le sentiment de se comprendre et d’être sur la même longueur d’onde pour des sujets différents,
  • La capacité à résoudre des problèmes (plus ou moins complexes),
  • La capacité à coopérer de manière productive sur des projets,
  • Le fait de se  » potentialiser « , c’est-à-dire la synergie qu’il y aura entre les façons de faire de l’un et de l’autre.

Cette forme d’affinité aura un impact sur notre capacité à réaliser efficacement les tâches qui doivent être accomplies ensemble.

Elle est directement impactée par notre façon de travailler, de résoudre les problèmes, et la situation donnée mais aussi par nos capacités intellectuelles, la vitesse à laquelle nous pensons (Sommes-nous à l’aise avec la manipulation de données complexes ? Pouvons-nous passer rapidement et facilement d’une tâche à l’autre ? Nous concentrons-nous davantage sur les détails ? Sur l’ensemble du tableau ? Adoptons-nous une approche conventionnelle de la résolution de problèmes ? Sommes-nous créatifs au quotidien ?…).

En fonction du niveau d’affinité que 2 personnes peuvent avoir sur ces 2 axes (affinité sociale et affinité de travail), on peut voir les 4 configurations possibles suivantes :

Comment anticiper l’affinité entre 2 personnes ?

Si l’on veut prédire l’affinité, il faut identifier en amont les facteurs et critères qui ont un fort impact sur cette affinité.

Bien sûr, c’est une équation très complexe, comme vous pouvez l’imaginer !

Mais comme beaucoup d’équations, celle-ci peut être simplifiée pour la rendre plus intelligible, sans perdre trop d’informations en cours de route !

Il convient de commencer par la psychologie de chaque individu.
D’un point de vue psychologique, il existe 3 facteurs principaux qui ont un impact significatif sur l’affinité entre les individus :

  • Leurs capacités intellectuelles (comment ils traitent l’information)
  • Leurs motivations (ce qui les met en mouvement)
  • Leur personnalité (comment ils se comportent au quotidien).

Tout d’abord, en ce qui concerne les capacités intellectuelles, notez que les gens ont tendance à mieux s’entendre lorsque leurs capacités intellectuelles sont d’un niveau similaire (ou du moins relativement proche). En effet, si vous êtes « intelligent », vous prendrez sans doute plus de plaisir à interagir avec des personnes « dotées d’un niveau intellectuel équivalent au votre ». Vous rechercherez sûrement relativement moins (voire fuirez carrément) la compagnie de personnes dont les facultés sont plus limitées… non pas parce que vous les estimez moins (cela n’a rien à voir), mais plutôt parce qu’objectivement, il est beaucoup moins probable qu’elles vous stimulent suffisamment, par rapport à vos besoins.

Il en va de même pour les motivations. Vous vous entendez généralement mieux avec les personnes qui ont à peu près les mêmes motivations que vous. Si vous avez pour habitude de jouer la sécurité et de ne pas prendre trop de risques afin de préserver votre confort (ce qui est tout à fait compréhensible), il peut être compliqué – voire très difficile – de s’engager et d’évoluer chaque jour aux côtés de personnes qui repoussent systématiquement leurs propres limites et qui tentent sans cesse de nouvelles expériences, toutes plus périlleuses les unes que les autres.

En ce qui concerne la personnalité, c’est un peu différent… Si une certaine communauté peut faciliter la relation, il s’avère également qu’il peut parfois être bénéfique d’évoluer avec des personnes présentant des habitudes comportementales différentes des nôtres (…ne dit-on pas aussi que « les opposés s’attirent » ?). Ainsi – pour donner un exemple trivial – il peut être bénéfique pour une personne qui ne veut pas prendre le leadership dans la relation d’évoluer aux côtés d’une personne qui est naturellement plus encline à le faire.

La difficulté dans l’analyse d’un candidat…

S’il existait des règles universelles que nous pourrions appliquer pour anticiper l’affinité entre les personnes, ce serait simple. Nous pourrions réutiliser la même équation et le même algorithme à chaque fois. Mais le fait est que chaque personne – du fait même de sa propre structure psychologique – aura des besoins très spécifiques. Pour deux personnes données, ces besoins ne sont donc pas nécessairement réciproques. En fait, c’est le cas 99 fois sur 100 !

Considérons 2 personnes : Une avec une intelligence moyenne, l’autre avec une intelligence supérieure.

En théorie, chacun s’entendra mieux avec une personne de son niveau. En pratique, c’est un peu différent… Si la personne « supérieurement intelligente » (pas de jugement ici… considérons les choses objectivement !) pourra plus facilement – si elle le souhaite – se mettre au niveau de la personne moins douée, il sera beaucoup plus compliqué – voire impossible – pour la personne moins dotée en capacités intellectuelles de s’adapter à la personne plus douée (dans le sens où il est difficile de feindre l’intelligence).

Par conséquent, il s’agira d’une relation asymétrique. La personne la moins intelligente appréciera subjectivement de passer du temps avec la personne la plus intelligente. Alors que pour la personne la plus intelligente, passer du temps avec l’autre demandera un certain ajustement, ce qui n’est pas naturel. Le problème, c’est que si cet effort est fait principalement pour que la personne moins intelligente se « sente bien », cela ne lui apportera pas nécessairement grand-chose en termes de « stimulation intellectuelle ». Et comme les personnes intelligentes ont besoin de stimulation intellectuelle, je vous laisse imaginer le résultat…

Le résultat est donc le suivant :

  • D’un côté, la personne moins intelligente qui va attester d’un haut niveau de satisfaction dans la relation (++)…
  • D’autre part, la personne plus intelligente qui témoignera d’un niveau de satisfaction faible à moyen dans cette même relation (m-).

Bien évidemment, de nombreux facteurs externes sont susceptibles de moduler cette relation, comme le sujet des échanges que ces personnes vont avoir. Si la personne moins intelligente possède des connaissances qui font défaut à la personne plus intelligente, cette dernière pourra en bénéficier (car elle apprendra). Mais cela durera tout au plus le temps de quelques échanges… Si l’on essaie d’anticiper leur affinité sur le long terme, il y a peu de chances que la personne moins intelligente parvienne à « nourrir » suffisamment la plus intelligente.

Ce qu’il faut retenir à ce stade

Pour maximiser les chances d’avoir une collaboration efficace entre 2 personnes, il est fondamental de prendre en compte leur potentiel d’affinité.

Cette affinité n’est pas singulière, il existe plutôt 2 types d’affinité : l’affinité sociale, qui est le plaisir de passer du temps ensemble, et l’affinité de travail, qui fait référence à la capacité de se coordonner de manière productive et efficace.

L’idéal, lorsque l’on doit travailler quotidiennement avec quelqu’un, est d’avoir à la fois une affinité sociale et une affinité professionnelle. Non seulement les deux personnes pourront facilement travailler ensemble de manière productive au quotidien, mais elles y prendront également plaisir ! (Cela peut notamment aider à surmonter les conflits ou les problèmes qui ne manqueront pas de surgir à un moment ou à un autre, comme dans toute relation).

Il est tout à fait possible de bien travailler avec des personnes sans pour autant être ou devenir des amis. Il est possible d’avoir des amis avec lesquels il nous serait difficile de travailler également. Et cela ne nuit en rien à l’amitié !

Pour anticiper les affinités de 2 personnes, il est essentiel de tenir compte de leurs profils psychologiques respectifs. Il est également important de considérer que, du fait de leurs profils respectifs, elles n’auront pas forcément les mêmes attentes (ce qu’on appelle l’asymétrie des besoins).

Pourquoi devez-vous tenir compte des affinités lors du recrutement ?

Vous pourriez penser : « on recrute pour un poste de collaborateur, pas pour un manager ou même pour une équipe ! Le manager peut bouger, les équipes peuvent changer… Quel est l’intérêt d’accorder autant (trop ?) d’importance à leurs relations ? »

« Vous avez raison… mais tout cela peut changer ». Le fait est que les personnes avec lesquelles nous travaillons au quotidien ont un impact énorme sur notre satisfaction au travail et aussi sur notre efficacité au travail. Il serait donc illusoire et dommageable de ne pas prendre en compte ce facteur ! ».

D’ailleurs, je vous renvoie aux résultats d’une étude que nous avons menée récemment. Elle démontre clairement l’impact des relations avec les collègues et son manager sur l’efficacité et la satisfaction des salariés au travail.

Par ailleurs, s’intéresser à l’affinité de 2 personnes lors d’un recrutement ne signifie pas que l’on va recruter uniquement des personnes ayant un maximum d’affinité avec l’équipe et le manager en place. D’ailleurs, si vous faites cela… bonne chance ! Vous allez probablement passer des mois et des mois à essayer de trouver les affinités parfaites…

Ce que cela signifie – plus simplement – c’est que lorsque vous prenez en compte le potentiel d’affinité, vous vous donnez les moyens de collecter les informations pertinentes pour bien comprendre dans quelle mesure et aussi dans quelles conditions ces 2 personnes pourront travailler ensemble efficacement.

Au mieux, vous aurez la confirmation que la personne que vous vous apprêtez à recruter a une affinité incroyable avec tous les membres de l’équipe (si c’est le cas, vous avez de la chance !). Au pire, vous saurez exactement à quoi chacun doit faire attention (côté candidat comme côté manager) pour faciliter l’intégration réussie de la nouvelle personne dans l’équipe existante.

C’est probablement là que réside le plus grand avantage à étudier les profils des candidats sous l’angle de leur affinité potentielle avec l’équipe en place ! Cela vous permettra de formuler des recommandations claires tant en termes de prise de poste (côté candidat) que d’intégration (côté manager et/ou équipe).

Comment procéder, avec des actions concrètes ?

Si vous souhaitez prendre en compte l’affinité potentielle, vous devez vous pencher sur les travaux réalisés sur les tests de recrutement psychologiques.

Depuis plus de nombreuses années, les chercheurs en ressources humaines étudient ces notions, ainsi que son impact sur différentes composantes de la performance au travail.

Il existe une dizaine de tests pertinents : Papi, MBTI, Sosie, les tests de recrutement psychologiques, d’aptitudes numériques, d’aptitudes verbales, les tests de compétences, ceux du QI (quotient intellectuel), les tests logique, et les tests de raisonnement.

Aujourd’hui, un nombre croissant d’entreprises s’intéressent aux Soft-Skills de leurs candidats et employés et non plus seulement à leurs compétences purement techniques. Et c’est une bonne chose !

Maintenant… vous pouvez changer vos pratiques de recrutement et aussi la valeur que vous pouvez apporter aux managers pour lesquels vous recrutez si vous aviez la capacité de voir ces indicateurs d’affinité pour chacun de vos candidats !